Gilad Atzmon: Réponse à Ali Abunimah & Co. (French & Spanish)
http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=7021 (French)
http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=7018 (Spanish)
Gilad Azmon
Le fait qu’Ali Abunimah & Co. Se présentent comme des défenseurs d’un “seul État démocratique en Palestine” me laisse perplexe : quel genre de démocratie ont-ils exactement en tête ? Car en appelant à me “désavouer”, ils démontrent sans ambigüités qu’ils ne peuvent pas même tolérer la plus élémentaire critique culturelle, une critique qui est endossée et appréciée par quelques-uns des penseurs les plus respectés dans notre mouvement et au-delà.
De fait, je suis plutôt ravi des réactions indignées que suscitent mes idées. Je suppose que cela nous permet de cartographier le discours et ses frontières et signifie que ces frontières sont maintenant officielles. Mon dernier livre , The Wandering Who? Le…quoi? errant) ne fait pas seulement des vagues, il a aussi réussi à mettre d’accord Alan Dershowitz et Abe Foxman avec Ali Abunimah et Max Blumenthal. C’est plutôt encourageant : la paix est donc possible.
Mais j’ai une mauvaise nouvelle pour ceux qui voudraient me réduire au silence, qu’ils soient palestiniens ou juifs. Je n’ai aucune intention de baisser la garde ou de changer de cap. Je suis un musicien de jazz et quelqu’un qui pense en toute indépendance. Je suis fondamentalement un électron libre : je dis ce que je pense et je pense ce que je dis. La popularité de mes écrits parmi les Palestiniens, les militants de la solidarité et ceux qui cherchent la vérité est le résultat direct de mon approche sincère de cette thématique.
Que mes détracteurs le veuillent ou non, la force de mes arguments est fondée sur la transparence et la véracité de mes prémisses. Jusqu’à présent, aucun de mes adversaires n’a été en mesure de pointer la moindre contradiction dans mon argumentation ou dans les faits que j’expose. J’affirme par exemple que puisque Israël se définit lui-même comme l’État juif – avec ses tanks et ses avions ornés de symboles juifs -, il est de notre devoir de poser la question : qui sont les Juifs ? Qu’est-ce que le judaïsme ? Et qu’entend-on par judéité ?
Le fait que certains militants craignent et évitent de poser ces questions ne veut pas dire que tous les autres devraient adopter la même attitude lâche.
Au cas où mes détracteurs – qu’ils soient sionistes, sionistes antisionistes ou Palestiniens – ne s’en seraient pas encore rendus compte, la Palestine n’est plus seule, et elle n’est plus l’objet d’un discours isolé et lointain. Au moment même où j’écris ces lignes, l’AIPAC continue publiquement et inexorablement à pousser l’Amérique vers un nouveau conflit mondial. En Grande-Bretagne, 80% des députés conservateurs font partie des Amis conservateurs d’Israël. Nous sommes en train d’assister à un passage très clair du discours sioniste de la “terre promise” à la “planète promise”. Je suis convaincu que cela pourrait réellement sauver le monde –y compris les Américains, les Britanniques, les Iraniens et les Palestiniens - que d’appeler un chat un chat. Mais cela peut aussi sauver les Juifs des graves conséquences potentielles que leur infligeraient les lobbies juifs.
Malheureusement, Ali Abunimah a dénaturé ma pensée. Il est évident qu’il n’y a dans mes écrits aucun racisme, aucun antisémitisme et aucune négation de l’holocauste. Aussi déterminés soient-ils à en trouver trace, mes détracteurs n’ont pas pu trouver le moindre début de preuve de telles tendances dans mon travail. Ali Abunimah me fait dire que “l’on ne peut pas se définir comme Juif et en même temps faire un travail de solidarité avec la Palestine, car s’identifier comme juif, c’est être sioniste”. C’est là une interprétation grotesque de mes écrits, dans lesquels je m’efforce toujours de définir la question en termes catégoriques. Ce à quoi je m’oppose de toute évidence, c’est l’exclusivité raciale juive. Si Israël a tout faux en voulant être un État-pour-les-seuls-Juifs – c’est mon argument -, alors ses critiques juifs seraient mieux avisés de le combattre en recourant à une idéologie et à une pratique inclusive et universaliste.
Je suis bien critique à l’égard de toute politique identitaire juive, culture juive et idéologie juive. Je suis aussi critique vis-à-vis de l’attitude culturelle juive face à l’histoire. Je critique la judéité et toute forme de militantisme politique exclusivement juif. Et je me demande pourquoi quiconque cherche la justice et la paix devrait faire des objections à ma démarche. La culture ou la politique identitaire juives sont-elles à l’abri de toute critique ? Les Juifs seraient-ils après tout les élus ?
Désolé de décevoir la ligue de mes opposants palestiniens et juifs, mais il semble bien que leur terminologie soit défectueuse et induise en erreur : le sionisme n’est pas un colonialisme, car le colonialisme est défini comme l’échange matériel entre une mère patrie et un État de colons. Le fait qu’il n’existe pas de mère partie juive indique que le sionisme ne rentre pas dans le modèle colonial.
Israël n’est pas non plus un État d’apartheid, car l’apartheid est défini par l’exploitation de résidents indigènes. Mais l’État juif préfèrerait la disparition pure et simple des Palestiniens. En d’autres termes, nous avons affaire ici à une philosophie expansionniste à base raciale pas vraiment différente du Lebensraum nazi.
Israël n’est pas le sionisme et vice-versa. Israël est le produit du projet sioniste. Si le sionisme est la promesse d’établir un “foyer national juif en Palestine”, Israël est son produit postrévolutionnaire. D’ailleurs, les Israéliens sont très peu familiarisés avec la pensée et l’idéologie sioniste. De leur pont de vue, les rengaines antisionistes sont un discours lointain émanant de la diaspora.
Shalom ne veut pas dire paix, réconciliation ou harmonie. Sa traduction exacte est “sécurité pour les Juifs”. La culture israélienne manque d’une notion claire de la “paix” telle que nous l’entendons, c’est-à-dire harmonie et réconciliation.
Je suggère à mes détracteurs de consacrer un certain temps à réfléchir à cela, afin qu’ils comprennent que les questions liées à ce conflit et à sa résolution vont bien au-delà du simple discours politique.
Je saisis l’occasion pour signaler à mes adversaires que leur campagne est contre-productive. Ceux que mes idées intéressent se rendent compte que nous vivons à une époque post-politique et post-idéologique. Tout comme moi, ce qui les intéresse, c’est l’argument éthique. Ils ne sont pas encartés et ne reçoivent pas d’ordres de groupes ou d’appareils idéologiques sectaires. Ils ne font qu’écouter leur cœur. Les organisations pro-palestiniennes qui sponsorisent mon actuelle tournée aux USA réalisent très bien que mon travail galvanise le traçage d’une ligne de démarcation entre la vérité et ses ennemis.
La campagne acharnée de dénigrement de mes écrits n’a abouti à rien d’autre qu’à mettre au jour une accablante intolérance intellectuelle dans nos propres rangs. Si ceux qui s’opposent à moi sont intéressés par mes idées, ils devront apprendre à débattre. Mais avant cela, j’imagine, il faudra que mes détracteurs commencent par lire mon livre et décident contre quoi ils sont exactement.